Laurent Barnich

Prof. ULB

Avatar

“ Les dieux antiques apparaissaient aux mortels sous plusieurs avatars.
Sous un autre nom, qui restera peut- être, une artiste s’était fait connaître par la sculpture.
Elle représentait alors essentiellement les personnes, parfois les animaux.
Du bronze, lourd et pesant, elle faisait jaillir la délicatesse, l’innocence, l’élan, le tourmant.
Le métal, dans ses mains, se transformait en chair, animée, vivante, louvoyante.
Tous les artistes évoluent, la plupart lentement, par touches successives. Parfois, on leur reconnaît des périodes.
Stella Solar est une autre.
Retournement, transfiguration ou ... privilège solaire de venir à nous, sous un nouvel avatar.”

Matière

“ Son matériau n’est plus uniquement le bronze. Elle le trouve dans la nature.
Plus particulièrement dans la nature morte.
Bois, écorces, brindilles, feuilles, pétales, menus débris de la vie végétale, poussés par les vents ou délaissés au bord des chemins.
Coquilles, plumes, cire, traces ordinairement insignifiantes des oiseaux ou des insectes de passage.
Dans les conteneurs jonchant les trottoirs et attendant d'être enlevés, elle récupère poutrelles de bois et coupoles de toit, fers a béton, bris de verre et autres déchets ou encombrants qui déjà lui parlent et que ses mains dociles et travailleuses transformeront pour une remise en vie, en une autre vie.”

Travail

“ Ces éléments de matière organique, elle s’en saisit, les regarde, les retourne. Elle les place, les déplace, leur donne une posture.
Puis, elle les recouvre, les prépare, les enduit ; ou bien les lisse et les polit.
Certains sont posés tout simplement, sur un socle.
D’autres sont suspendus, comme en apesanteur.” 

Renaissance

“ Sous cette nouvelle apparence, ces morceaux de nature ne sont plus de simples débris.
Protégés désormais contre le dépérissement, ils sont embaumés, selon ce rite funéraire ancestral presque disparu. Aujourd’hui on brûle, on détruit, on jette.
L’embaumement de ces restes naturels perpétue la vie qui les animait.
Le bois est planté sur son socle de cuivre, comme un arbre sur un versant de montagne.
Les feuilles évoquent des frondaisons.
Les plumes forment l’image d’un oiseau qui part dans sa nuit.
Les coquilles d’œufs rappellent la profusion de la reproduction vitale.
Les fleurs séchées deviennent, en un clin d’œil, papillon.”

Une artiste de son temps

“ Longtemps, les hommes ont tenu la vie naturelle pour inépuisable, abondante, voire hostile. Ils ont cru les vieux récits qui leur racontaient que le monde, comme un jardin édénique, avait été créé pour être à leur disposition, à leur service. Il apparaît à présent que ces légendes sont mensongères. Les moindres restes de vie ont plus de valeur que les idoles de bronze. Comme le Grand Amazonien de Stella, les humains sont immergés dans la nature. Tous les vivants, végétaux, animaux, sont liés inexorablement les uns aux autres. Les Gisants ont plus de présence que les gisants de pierre. En magnifiant les traces de vie des plus frêles, des plus périssables, Stella ouvre la voie d’une nouvelle espérance.”




Quentin Delvaux

Curateur

Stella Solar

“ Stella, une étoile, une lumière, un repère, un point de départ. Solar qui contraste, qui agît comme le jour, là où Stella règne sur la nuit. Une opposition qui tisse un fil entre une différence qui se complète, comme la vie qui renaît dans le trépas. Et vice-versa. Stella Solar brode une toile qui effile le voile entre l’ici et l’au-delà. Elle nous invite pour un voyage vers nos ancêtres et nos descendants, un voyage vers un Ancien Monde et un Univers des Possibles. Cette passeuse nous convie à nous relier à nos racines, à notre mémoire, et à se questionner sur nos avenirs.

C’est dans les larmes du deuil que l’artiste renait sous le nom de Stella Solar. Tout comme l’arbre qui tombe et révèle la lumière vitale pour ceux qui le remplaceront. L’arbre qui se désagrège et nourrit le sol. Un nouveau souffle émane de cet état de métamorphose résultant d’un changement de mediums. L’avant et l’après ne font qu’un, les deux coexistent dans une osmose de sens et de créativité. Là, où elle nous incite à explorer nos sentiments vis-à-vis de la mort et de la notion de fin dans notre société judéo- chrétienne, réside l’invitation à connecter le séculaire au spirituel.

L’objet trouvé se redécouvre une seconde existence comme une tentative de l’artiste de garder ce qui était sur le point de se perdre. Les racines, les branches et les troncs se font jambes, bras, et bustes. La coquille d’œuf ouverte, vide, jamais cassée. Cette approche, similaire au Kintsugi japonais, est l’ultime symbole que rien ne se perd, rien ne se crée, tout renait. Stella Solar explore l’accumulation, des tas, ces endroits où nous déposons notre superflu et futile. L’opportunité de se rappeler de nos besoins primaires, laisser tomber nos secondes peaux, nos écorces pour se dénuder.

Il faut défier la pesanteur pour se rendre compte de la force de la Terre. Suspendre pour prendre de la perspective. Des mobiles servant de totems pour ce qui s’envole, quitte, meurt, régénère et réincarne. Des cellules qui abritent ce qui est entre, le proscrit, l’exilé, l’hors-norme qui ne trouve sa place ni en haut, ni en bas.

Stella Solar est une chercheuse de temps. Elle entasse et suspend pour laisser des traces, des indices. Le fil de cuivre sert de conducteur narratif d’un cycle, s’y accrocher pour se rappeler de l’avant et de l’après.

Si tout est cycle, tout est mémoire. Stella Solar construit des miroirs. Si on ose regarder, on peut y entrevoir ce qui nous a précédé et ce qui nous remplacera.”




Sylvain Tesson

Écrivain 

Étoile (extrait)

“ La masse de l’étoile est un réservoir d’énergie. Dès sa création, chaque corps stellaire contient en lui sa propre puissance. Il la transformera tout au long de sa vie en chaleur et lumière. Les hommes comme les étoiles reçoivent à leur naissance un gisement intérieur. Ils puiseront dedans et convertiront leurs ressources en actes, paroles, pensées, et œuvres d’art.

Et comme les étoiles, certains hommes se révéleront plus brillants que d’autres. Et comme les étoiles, le souvenir de certains hommes nous parviendra bien après leur mort. En revanche, d’autres que l’on trouvait flamboyants seront déjà affreusement morts en dedans d’eux-mêmes.”



Stella Solar

artiste

L'appel irrésistible des matière

“ La matière pourrait être considéré comme une chose physique, corporelle, par opposition à l'esprit et à l'âme. Pourtant la matière est d'abord reconnaissable par les sens : sa fraîcheur végétale, son grain minéral, sa lumière intrinsèque, la chaleur du bois, la profondeur d’un velours….. . Ceux-là sont bien des signes que les matières ne sont pas de simples matériaux inertes et inanimés mais manifestent une certaine nécessité interne.

J'aime cette phrase d'Aristote : ''j'appelle matière le premier substrat de chaque chose, d'où une chose advient et qui lui appartient d'une façon immanente et non par accident .... la matière est le substrat du changement''. Les matières vivantes et matières mortes ne s’opposent pas. Au contraire, les forces qui les animent et les transforment sont sans cesse à l’œuvre et se répondent. Que ce soient les restes végétaux ou les débris à l'abandon, tout ce qui est mis au rébus ou voué à disparaître ; tous conservent la beauté du monde et son mouvement. Il suffit de voir et d’aider à réveiller le cœur silencieux des choses. Voilà ce que je veux montrer et offrir au travers de mon travail. ”